D’abord quatre paragraphes pour expliquer le contexte dans lequel ces textes ont été écrits, puis oubliés, et enfin, pour quelques-uns seulement, traduits:
La colonisation allemande.
La durée de vie de l’Empire colonial allemand est une des plus courtes qui soit: Le gouvernement allemand s’engage officiellement dans l’aventure coloniale en 1884; lorsqu’il apporte sa protection aux possessions de sociétés allemandes au Sud Ouest Africain, puis au Cameroun et au Togo. Le traité de Versailles retire à l’Allemagne ses colonies en 1919.
Soit 35 ans de politique coloniale. Et une durée effective de colonisation un peu moindre, car toutes les colonies ne furent pas créées dès 1884, et la plupart tombèrent aux mains des Alliés avant 1918. À comparer avec presque un siècle de colonisation française au Sénégal, plus d’un siècle de colonisation anglaise aux Indes, et cinq siècles de colonisation romaine en Gaule!
Mais ces 35 ans ne doivent pas être pris à la légère, car c’est au début de la colonisation qu’ont été définis et structurés entre autres les futurs États de Namibie (Sud-Ouest Africain), Tanzanie (Est Africain), Ruanda, Burundi, Cameroun et Togo.
Les écrits de la colonisation allemande.
Les coloniaux allemands nous ont laissé de nombreux écrits, relations de voyage ou de mission, traités techniques ou scientifiques, analyses politiques, études ethnographiques, sous forme d’articles ou de livres.
La France, après avoir obtenu en 1919 de la Société des Nations les mandats lui permettant d’administrer le Togo et le Cameroun, s’est efforcée de faire disparaître les traces de la colonisation allemande. Il n’était donc pas question de faciliter l’accès de ces ouvrages au public francophone.
C’était prononcer un black-out sur l’Histoire, et la petite histoire, de ces colonies. Petite histoire car ces témoignages sont susceptibles d’être romancés. Histoire car ces témoignages sont parfois la seule source, quand les archives ne sont pas disponibles.
Où trouver les textes allemands ?
Dans les bibliothèques universitaires ou nationales, dans les librairies de livres anciens, dans les services d’archives, mais maintenant aussi sur le réseau:
- Kolonialbibliothek – Bibliothèque coloniale de l’université Goethe de Frankfurt-am-Main.
- Bibliothèque nationale allemande numérique.
- Internet Archive – Bibliothèque numérique d’ouvrages anciens.
- Archivführer zur deutschen Kolonialgeschichte – Guide dans les archives de l’histoire coloniale.
Traducteurs et essayistes.
Depuis la fin de la période coloniale, quelques traductions ont été entreprises, par exemple:
– Le professeur d’allemand Max. F. Dippold (1936-2019) s’est intéressé à la littérature coloniale allemande, voir par exemple l’article « L’image du Cameroun dans la colonisation allemande » paru en 1973.
– L’anthropologue Philippe Laburthe-Tolra (1929-2016) a publié:
- en 1970 une analyse approfondie et une traduction d’un texte de Georg August Zenker sur le peuple « Yaoundé » (nom sous lequel les Allemands désignaient selon les cas les Kóló-Bëti ou les Beti Yaoundé), sous le titre « les Yaoundé d’après Zenker (1895) » Imprimerie Darantière – Dijon – (Extrait des Annales de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Yaoundé, n°2)
- en 2009 une traduction de Curt von Morgen, « À travers le Cameroun du Sud au Nord – Voyages et explorations dans l’arrière-pays de 1889 à 1891 », accompagnée d’un volume de commentaires qui se laisse lire très facilement.
– Le professeur Mohammadou Elridge (1934-2004) a publié plusieurs traductions:
- en 1982 une traduction de Kurt Strümpell, » Introduction au vocabulaire des païens du massif du Mandara (Adamawa) »,
- en 1987 une traduction partielle du volume V de l’Atlantis de Leo Frobenius « Peuples et sociétés traditionnelles du Nord Cameroun »,
- en 2002 une traduction de Fritz Bauer, « L’expédition allemande Niger-Bénoué-lac Tchad« ,
- à titre posthume en 2010 une traduction de Siegfried Passarge,« Adamawa : rapport de l’expédition du comité allemand pour le Cameroun au cours des années 1893-1894 ».
– Les professeurs Philippe Blaise Essomba et Polycarpe Belibi Odzolo ont publié en 2016 une traduction de Johannes Sieber, « Les Vouté (Babouté) – Vie, culture et univers religieux d’un peuple africain », coédition éditions Clé (Yaoundé) et Nena (Dakar).
Par ailleurs, pour une lecture critique des témoignages allemands de l’époque, les francophones ont à leur disposition:
- des ouvrages d’historien, par exemple Albert Pascal Temgoua (?-2019). avec le « Le Cameroun à l’époque des Allemands 1884-1916 ».
- des essais et articles récents (liste non limitatives):
- Philippe-Blaise Essomba avec La guerre des voies de communication au Cameroun, 1914-1916.
- Philippe Laburthe-Tolra avec « Christianisme et ouverture au monde – Le cas du Cameroun (1845-1915) ».
- Richard Tsogang Fossi avec « Comment le « Cameroons » est devenu allemand« . .
- Johannes Wendt avec « L’anamnèse du colonialisme allemand ».
- Collectifs, avec « La grande Guerre au Cameroun », ressource pédagogique du lycée Dominique Savio de Douala.
- des essais de l’époque:
La littérature coloniale n’est pas la seule source: la mémoire africaine perdure aussi après la disparition des derniers témoins africains, grâce notamment au Prince Kum’a Ndumbe III et à AfricAvenir, qui ont donné la parole aux témoins camerounais de l’époque (collection: « Quand les Anciens parlent… »).
Voici donc la liste de mes traductions :
D’après la presse allemande
Les premiers combats au Cameroun allemand (1884-1886) (pdf, epub).
La politique de la canonnière.
Les premiers combats, avant la création de la Schutztruppe, quand les Allemands bombardaient la côte et faisaient débarquer les troupes de marine, à Douala et à Bimbia.
Hans von Schimmelpfennig & Paul Hösemann
L’expédition de 1901 au pays des Banen.
- Hans von Schimmelpfennig
Rapport de l’expédition
du capitaine von Schimmelpfennig,
de Ngutte II à Yabassi (pdf, epub) – 1901. - Paul Hösemann
Étude ethnographique
des Banen du Cameroun (pdf, epub) – 1903.
Expédition militaire, politique et scientifique.
L’expédition menée en 1901 par le capitaine von Schimmelpfennig avait pour but d’ouvrir une liaison entre Yabassi et l’intérieur du pays. C’était donc une mission d’exploration, une mission politique car il s’agissait de nouer des alliances avec de nouvelles tribus, une expédition militaire car le cas échéant il fallait pouvoir les affronter, et une expédition scientifique, les travaux scientifiques étant assurés par le médecin militaire Hösemann.
David Chasin
L’économie des peuples bantous du Cameroun (pdf, epub) – 1912.
Une thèse d’économie nationale (Cameroun, Gabon), rédigée avec clarté.
Dans sa thèse d’économie de 1912, David Chasin décrit les débuts de l’économie nationale camerounaise, et brosse un tableau détaillé de l’économie des peuples bantous du Cameroun et du Gabon, au début du vingtième siècle et auparavant.
Cette thèse montre l’impact du commerce avec l’Europe sur l’économie africaine, entraînant la disparition de nombreuses activités artisanales, ce qui rappelle combien le commerce est important dans un processus de domination.
Si nous devons en croire les tenants de l’école historique de l’économie politique, ces débuts des économies nationales expliquent un bon nombre de facettes de l’économie actuelle du Cameroun et du Gabon.
Grete Kühnhold
« Une infirmière allemande au Cameroun 1913-1916 »,
édité par l’Harmattan.
De la maladie du sommeil à la médecine de guerre.
Une infirmière de la Croix-Rouge, envoyée en 1913 au Cameroun allemand (dans un village situé non loin de Carnot, actuellement en République centrafricaine) pour lutter contre la maladie du sommeil, devient infirmière de guerre à Yaoundé et dans un hôpital de brousse, puis accompagne la retraite des Allemands hors du Cameroun.
Hermann Skolaster
« Guerre de brousse au Cameroun 1914-1916 »,
édité par l’Harmattan.
Un missionnaire catholique dans la première guerre mondiale.
Hermann Skolaster, missionnaire catholique de la congrégation des Pallottins, devient aumônier militaire pendant la guerre. Il témoigne de ses convictions, de ses activités religieuses, et explique comment les Allemands isolés au Cameroun ont résisté un an et demi à l’avance alliée, grâce à leurs efforts logistiques (fabrication d’armes et d’uniformes, gestion des approvisionnements en nourriture) et à leur tactique de repli progressif.
Union Évangélique Africaine
Extraits de la revue Afrika (1894-1897) (pdf, epub).
Contre les excès de la colonisation.
Au début de la colonisation allemande, les missionnaires protestants s’opposaient avec vigueur aux excès de la colonisation, et ferraillaient avec les missionnaires catholiques.
En plus de ces textes écrits par les pasteurs, voir aussi une très intéressante contribution sur la religion africaine par l’ethnologue Leo Frobenius.